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13/02/2024
Les films sur le Rwanda de la fin du XXe siècle me laissent toujours une impression bizarre.... ils me rappellent mon enfance, ces informations qui nous parvenaient en quasi direct mais derrières lesquelles on ne mettait pas grand-chose d'autre que des chiffres censés rendre compte de l'atrocité des crimes perpétrés par les Tutsies contre les Hutus et inversement.
Avec ce recul, "Moi capitaine" devrait servir d'électrochoc et faire réfléchir plus globalement sur le problème des crises migratoires mais une fois le film terminé je n'ai pas eu l'impression d'avancer dans cette reflexion. 20 ans.. 40 ans... et pas d'évolution ? Damned, le constat est sévère !
L'acteur principal a lui-même emprunté le parcours suivi par le personnage principal du film et Mateo Garone l'a repéré et fait joué au cinéma en même temps qu'il hébergeait des réfugiés (chez lui ou chez ses parents si j'ai bien retenu l'interview lu dans un journal).
Il serait donc malvenu de remettre en cause les intentions du réalisateur italien et de ses acteurs mais... je comprends parfaitement le malaise ressenti par certains critiques face aux images léchées, à la musique parfois envahissante et par la fin qui ne dit trop rien de la réalité d'un tel périple. On objectera quelques scènes marquantes qui sont censées contrebalancer l'espoir et la force hors du commun qui anime des deux hommes dont on suit le parcours, mais leur influence sur le caractère des "héros" et sur le scénario en lui-même est bien faible...
Le film montre bien que, dans tous les pays par lesquels passent ces hommes, ces femmes, ces enfants, ces familles.... il y a toujours quelqu'un pour "aider" et surtout soutirer de l'argent en utilisant la force si nécessaire. Mais en choisissant de ne coller qu'à la réalité de ses deux personnages principaux, il perd en force et n'aide pas à comprendre comment ce commerce peut tenir, qui y gagne alors que tant y perdent (de l'argent, des amis, leur propre vie).
Je comprends que Matteo Garone n'ait pas voulu faire un reportage caméra à l'épaule et qu'il ait choisi de faire "des images de cinéma" ne me choque pas. Je suis par contre plus réservé sur son choix de scénario qui met en avant ce qui sera une "belle histoire" avec une amitié indéfectible, des soutiens inattendus et un final attendu.
Pourquoi, à l'heure d'internet, les jeunes seraient surpris d'apprendre que "des gens couchent dehors en Europe" ? Quelle est la vie de ces jeunes avant de partir et ce choix est-il celui de la survie ou celui de l'espoir ? Quelle est la vie des militaires qui prennent de l'argent aux plus faibles, celle des milices en plein désert, celle des passeurs qui refourguent un bateau bon pour la casse ? Quelle est la politique en Afrique, en Europe, mondialement autour de cela ?
Le film finalement n'apporte que bien peu au débat. Il permet de "voir que le voyage pour arriver en Europe est violent" ? Mais qui en doutait... il permet de faire bouger les lignes et d'ouvrir à la discussion dans certains coins du pays (= l'Italie mais ailleurs aussi sûrement) dans lesquels l'extrême droite pavoise ? Alors ce sera déjà ça de réussi.
Est-ce pour autant un grand film ? Si j'évacue le coté "politique" et le "message" qu'il véhicule, je me dis que ça n'en fait pas un mauvais film dans la catégorie "survie" mais je ne peux m'empêcher de penser qu'avec un tel matériau "humain", arriver à cette conclusion est quand même un peu léger.
J'aurais aimé un film "coup de poing" et j'en ai été bien loin. J'aurais aimé un film qui évite l'image du "héros" pour montrer le côté aléatoire de l'entreprise et les mille et une portes qui peuvent se refermer et faire tomber un projet mené parfois de longue date en quelques secondes. Malheureusement le schéma choisi ressemble à une ligne droite, avec quelques secousses, mais une ligne ininterrompue qui sied assez mal au voyage entrepris.
Bref, suivant vos attentes vous n'aurez pas le même ressenti que moi mais, au final, le film me paraît bien lisse ce qui m'étonne de la part d'un cinéaste engagé qui me paraît trop sage pour son sujet.
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